18/10/2017
De Parchim en 1914 à Lesve en 1919, en passant par la Suisse et la France, un long calvaire...
Et c’est le départ pour la captivité ! Une longue colonne de 700 hommes qui déambulent, entre deux lignes de fantassins allemands, Dès le jour même. Une marche de 20 km qui les conduit, en passant par Wolvenigem-, dans le village de Broechem. Ces deux villages sont dans un triste état et abandonnés par leur population. Broeckem est particulièrement « fort abimé » visiblement les conséquences d’un bombardement violent.. Vers minuit, dès leur arrivée, les prisonniers trouvent refuge dans des espaces qui pouvaient encore ressembler à des chambres. Au matin, la marche reprend vers Malines où ils sont entassés dans des wagons à bétail.. Direction l’Allemagne. Léon Juckler griffonne rapidement quelques mots sur un bout de papier qu’il confie à des civils qui regardent passer le convoi.
extrait du site http://www.1914-1918.be/pri_juckler.php (avec l'autorisation).
Plusieurs jours de transport, sans guère de nourriture, puis ils sont débarqués dans des camps de triages : Halle an der Saale, Merseburg et Altengrabow (3 jours), Après ce long voyage, ils arrivent enfin à Parchim.
Les premières listes partielles des prisonniers sont dressées
Les prisonniers du fort 1 le 9/10/14 à Parchim
Léon Juckler, caporal
Liste (extrait) de sous-officiers du fort
Quant aux officiers, ils seront conduits dans un offlag.
Les lieutenants Chevallier, Janssens et Peret et Raulier Désiré, le commandant du fort. Lui aussi sera rapatrié via la Suisse pour cause de santé.
Le camp de Parchim
Parchim est un camp situé à quelques kilomètres de la Baltique. Une région réputée pour son climat rude, battue par les vents.
Deux photos prises par Léon. Un camp dans la plaine balayée par les vents froids.
Le camp accueille 52;568 prisonniers, des Belges, des Français, des Sénégalais, des Russes et des Serbes.
La troupe se rassemble pour la distribution de la "soupe" Les différentes nationalités sont reconnaissables grâce aux uniformes. Un soldat sénégalais, un Serbe et un Français, les Russes à la recherche de bois, de tabac ou de nourriture.
La vie au camp est difficile. Dans un premier temps, les hommes sont logés sous tentes, les baraquements ne viendront que plus tard. La plupart de ces prisonniers sont occupés dans des komandos travaillant à l’extérieur du camp. Ne restent dans le camps que les prisonniers désignés pour l’entretien ou le fonctionnement du camp. Léon Juckler est parmi ceux-là. En plus de l’éloignement de sa famille , il faut vivre avec les privations, le froid et les dangers quotidiens.
Les dessins de Maxime Bourrée, un soldat français prisonnier à Parchim illustrent bien la dureté de la vie dans ce camp. Une exposition de ses dessins a eu lieu à Liège..Voir sources
Le moindre manquement à la discipline et la punition tombe plongeant encore le prisonnier dans plus de désarroi. Des hommes meurtris qui fréquentent la petite église du camp « La baraque chapelle » comme on l’appelle. Un lieu de recueillement où ils peuvent penser aux leurs. « C'est au pied de cet autel que journellement je suis près de toi. » écrit-il à son épouse.
Heureusement, grâce à sa formation, il obtiendra un poste important dans le camp. Facteur ! Le facteur qui trie et distribue le courrier et les colis. Des colis qu’il, comme tous ses frères d’infortune, recevra de son épouse, de sa famille.
Léon Juckler dans son bureau au camp, derrière lui une photo de son épouse avec ses deux enfants.
L'arrivée des colis
Le manque de nourriture et les conditions de vie entament la santé de ces hommes. Beaucoup sont malades, beaucoup mourront et seront enterrés dans le cimetière du camp. !
A tel point qu’en 1915, les prisonniers se cotisent afin d’ériger un monument aux morts dans le camp. L’inauguration aura lieu le 11 juin 2015. L’inauguration se fera en présence de prisonniers de chaque nationalité.
Le monument aux morts du camps de Parchim
La plaque commémorative.
Que de privations endurées avant de récolter la somme nécessaire...
Maxime Bourrée, cet ancien prisonnier français de ce camp cite le nombre de 9000 décès pour toute la durée de sa captivité!
«Sur cette photo, Léon (au centre de la photo) et d'autres prisonniers travaillent à l'entretien du cimetière du camp. À sa droite, un soldat allemand les surveille. La photo interpelle : une tombe porte le nom d « 'Adriaenssens » Or, un certain Adriaenssens François faisait partie de la même compagnie que Léon. Selon les fiches de la Croix-Rouge internationale, ce soldat est décédé à Parchim….Serait-ce le même ?
François Adrianssens prisonnier au fort 1.
Sur cette même photo, une croix d’un soldat russe, une croix orthodoxe, une des branches de la croix est inclinée et celle d’un soldat français. À l’arrière plan deux tombes de musulmans avec le croissant. Gradel André, un soldat français mort à Parchim le 26 mai 1915.
Des photos de soldats
Des prisonniers du fort1 à Parchim
"Mon grand-père est l'homme assis à la deuxième rangée, à l'extrême droite, avec la moustache".
M. Philip Vanheessen cherche des informations sur son grand-père; Emile Vanheessen.
La fiche de ce prisonnier dans les archives du Comité internationale de la Croix-Rouge
Né et résidant à Ghistel en Flandre Occidentale. il était de la même compagnie que Léon Juckler
Un autre soldat de la même compagnie.
Le deuxième à gauche au dernier rang, un certain Demol Emile était lui aussi dans la même compagnie que Léon.
Des prisonniers russes arrivent au camp de Parchim et un groupe de Russes
Malade
En 1916, deux longues années déjà que Léon Juckler est en captivité, la maladie se déclare. Une toux inquiétante. Dans ces conditions de vie, la tuberculose trouve un terrain propice à son extension. Dans les lazarets des camps, les moyens déployés sont dérisoires face à la gravité du problème. La Croix-Rouge suisse s’occupe de ces soldats dont la santé nécessite un transfert. Des médecins envoyés par cet organisme international inspectent les camps de prisonniers afin de distinguer les prisonniers qui peuvent être transférés en Suisse.
Une courte liste des maladies nécessitant le transfert vers la Suisse: La neurasthénie, les anémies graves, dénutrition et les maladies des poumons (lungesleiden ou lungenkatarrh)., Cette liste provient du document contenant le nom de notre témoin. Dans son groupe.. il y a des "pulmonaires", des neurasthéniques, des anémiés.
Et de fait, sa santé se dégrade au point que son transfert vers la Suisse devient urgent. Au cours de l'année 1916, il est enfin visité par un médecin suisse qui le déclare malade au point d’être inscrit sur les listes de transfèrements.. Son état s’aggrave encore. L’attente est longue car ce n’est en juin 1917 qu’il embarque pour le camp de Mannheim, un camp de transit.
20 juillet 1917, "gravement malade"
Ce n’est que le 20 juillet 1917 qu’il est envoyé en Suisse, dans le camp d’accueil de Leysin. Un camp d'accueil d'où les malades sont envoyés dans un centre de soins adapté à leur pathologie. Il ira au "Grand Hôtel" au Diableret.
Il sera accompagné de Van Put Jean du 6ème de ligne, de Stevens Charles, carabinier et de Raffin Joseph....
Les malades sont internés dans des hôtels situés en montagnes et transformés en hôpitaux, centre de soins paraît plus adapté qu'hôpital... De l’air, du soleil, du repos et une nourriture saine…c’est ce que la médecine de l’époque applique pour le traitement de la tuberculose : L’héliothérapie !
Ce transfert laisse sa famille sans nouvelle. Son épouse s’en inquiète et à plusieurs reprises s’informe auprès de la Croix-Rouge. Il faut le temps avant que la correspondance se rétablisse.
F. Calonne adjudant résidant à l'hôtel Schweizerhof informe le comité de la croix-Rouge de la présence de L. Juckler en Suisse
On devine cependant Marie impatiente de savoir son mari en sécurité en Suisse.
Du courrier échangé entre les responsables de la CR et Marie, puis une première lettre lorsque le contact est rétabli.
extrait du site http://www.1914-1918.be/pri_juckler.php (avec l'autorisation).
Un autre interné écrit à sa famille, extraits...
La croix dont parle le témoin se trouve sur la carte postale ci-dessous
hôtel de gauche, au-dessus de la toiture, près du drapeau
Un autre hôtel où il fut soigné et deux des infirmières.
Les soins dureront une année. Et le 21 juillet 1918, entré en convalescence, il est envoyé dans un hôpital en France, un hôpital tenu par du personnel soignant belge.
Dans la liste des rapatriés, Joseph Daumerie, lieutenant aviateur, c'est le co-pilote d'Albert Massaux, notre concitoyen de Lustin
voir http://ceuxde14-18.skynetblogs.be/archive/2012/11/06/albert-aviateur-en-1914-abattu-en-france-capture-tentative-d.html#more
La situation de Léon Juckler s'améliore. Il passe à l'hôpital militaire belge du Col de Caire, le 26 juin 1918.
Liste des Internés belges rapatriés en France le 24 juin 1918
La liste nous informe du lieu où étaient internés les soldats
Neuchâtel, Lausanne, Leysin, Clarens, Montana Goldwil, et... les Diablerets
Sur cette photo, des malades soignés dans"un" pavillon du Col de Caire. Serait-ce Léon? Il y a ressemblance mais....
Photo prise en 1919 ou 19
Le col de Caire, un établissement de soins dans les montagnes au Nord de Cap Ferrat
Marie finira par louer une maison sur la côte afin d’être aux côtés de son époux et que pour celui-ci retrouve ses enfants. On guérit mieux quand on est bien entouré. Néanmoins, il faudra qu’il attende le mois de mai 1919 avant de revenir de son exil. Il arrive à Cabour, un hôpital belge situé près d’Adinkerke, le 20 mai. Il y restera deux mois, pour satisfaire aux derniers examens médicaux. Il est guéri mais ne pèse plus que 47 kilos ! Il retourne à la vie civile, le 21 juillet 1919, il est démobilisé. Que de souffrances endurées, souffrances physiques mais aussi morales. Ne pas voir grandir ses enfants, être loin de son foyer de son épouse !
Quelques photos et documents sur Parchim
Un camp dans la plaine.
Une photo qui ne correspond pas à la description du camp faite par un observateur de la Croix-Rouge (en 1918)
" une clairière entourée de bois de sapins le lazaret d'isolement situé à 500 m environ en dehors du camp dans une forêt de sapins".
Une autre vue du camp de Parchim
Un camp dans une plaine battue des vents froids de la Baltique
Un des rapports sur l'état de l'infirmerie. Fait en décembre 1918, il montre encore l'état désastreux de ce local... alors qu'il ne reste plus dans le camp que 7 à 8000 prisonniers en attente de rapatriement.
Et lorsqu'il y en avait plus de 50 000?
Un enterrement d'un prisonnier qui s'est passé certainement au début de la captivité
car les tentes sont encore présentes.
La misère des prisonniers, 12 à 15 000 prisonniers miséreux. Ils ne reçoivent pas de colis.
rapport de la CR
L'effectif selon la Croix-Rouge....
entre 35 000 et 60 000
Un rappel Jules Lenoir, un soldat du 11ème de ligne présent à Liège
considéré comme prisonnier lors des combat de la Rhée mais a pu s’échapper et rejoindre Anvers.
( il sera tué le 21 octobre 1914 à Dixmude) Sa page sera bientôt complétée par de nouveaux documents
Sources
Photo du commandant Raulier, prêt de M. Meter.
pour les deux pages consacrées à Léon Juckler
Photos sur les internés en Suisse, archives de la famille Montagnon
Archives communales de Profondeville, naissances
Archives ecclésiastiques, paroisse de Lesve,
Merci à Monsieur F. Delook, webmaster du site http://www.1914-1918.be pour son partage de documents
Voir également les pages http://www.1914-1918.be/pri_juckler.php
http://www.1914-1918.be/brancardier_henri_juckler.php
Pour le soldat Maxime Bourrée
http://www.europeana.eu/portal/en/record/2020601/contribu...
Merci à M. D. Delcampe pour ses documents voir sur http://www.bel-memorial.org
Monsieur Philip Vanheessen est à la recherche d'informations sur son arrière grand-père d'où notre échange.
Archives militaires, les dossiers des militaires cités.
L'historique du fort 1,
Heemkundige kring Jan Vleminck
Wijnegem Nr 2 september 2014
Fort1 augustus 1914, Herman Luyckx
Archives départementales du Nord et Mémoire des hommes, pour la fiche militaire du soldat français
Archives du comité international de la Croix-Rouge fiche prisonnier et rapport sur les camps
https://grandeguerre.icrc.org/fr
cartes postales anciennes.
Pour les cartes et plans sur Liège et Anvers, diffusion sur Internet
13:39 | Lien permanent
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